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Chapitre 8

« Tu es sûr d'avoir tout emballé ? »

« Oui. » Je regarde autour de moi de manière thĂ©Ă¢trale. « J'ai tout ce qu'il faut. »

Nous sommes debout près de l'entrĂ©e, mes valises Ă  cĂ´tĂ©. Calum est Ă  cĂ´tĂ© de la porte, scrutant par la fenĂªtre. Ma mère me scrute pour la millième fois, s'agitant et soupirant comme si je n'Ă©tais jamais parti seul auparavant.

« Tu as encore faim ? »

Je ris brièvement. « On vient de prendre un énorme petit-déjeuner il y a à peine cinq minutes. »

Elle pointe un doigt vers moi comme si elle venait de se rappeler de quelque chose. « Et il y a mĂªme des restes. Je vais t'en emballer au cas oĂ¹ tu aurais faim en route. » Elle se retourne, se prĂ©cipitant vers la cuisine. « La nourriture d'avion, c'est de la merde. »

Calum fait une pause dans son rĂ´le de garde du corps, se promenant pour se tenir lĂ  oĂ¹ il doit Ăªtre. Ă€ mes cĂ´tĂ©s. Il enroule son bras autour de mon cou, me tirant vers lui. Si le soleil avait une odeur, il porterait son nom. Il y a quelque chose dans son aura... son toucher qui ressemble Ă  la lumière du soleil d'Ă©tĂ© sur ma peau.

« Tu as eu le temps de lire les dossiers qu'ils t'ont envoyés ? » Il me regarde de haut. « Puisque tu es restée éveillée tard pour faire quelque chose. »

Je hoche la tĂªte. « J'ai parcouru leur portfolio. Ce qu'ils veulent que j'examine. Il semble que leur opposition emploie des travailleurs sans papiers, les soumettant Ă  des conditions proches de l'esclavage. MalgrĂ© des promesses allĂ©chantes d'emploi et de rĂ©munĂ©ration Ă©quitable, ces personnes sont en rĂ©alitĂ© soumises Ă  des heures extĂ©nuantes, avec peu ou pas de compensation pour leurs efforts laborieux. MĂªme quelques employĂ©s sont prĂªts Ă  tĂ©moigner contre eux si nous pouvons garantir la protection des tĂ©moins. »

Calum hoche la tĂªte, passant sa main dans ses cheveux, des mèches dorĂ©es ondulant. « Et... » il s'arrĂªte, baissant la voix. « Tu sais ? »

« Le livre ? » Je jette un coup d'Å“il Ă  la cuisine. « Il est en sĂ©curitĂ©. »

Calum fronce les sourcils, un mélange d'agacement et d'offense. « Quoi ? Tu ne vas pas me le dire ? »

« Il vaut mieux que personne ne sache. J'aimerais pouvoir l'oublier moi-mĂªme. » Mon doigt tapote ma tempe. « Mais je ne peux pas. »

Il soupire, secouant la tĂªte avec raideur. « Je t'ai dit que c'Ă©tait une mauvaise idĂ©e. »

Mes sourcils se froncent. « Tu dis ça à chaque fois. »

« C'Ă©tait imprudent. Et cette fois, nous payons tous le prix. » La duretĂ© de son ton, une courbe accusatrice dans sa voix. « Toi, moi, et mĂªme ta mère. Si seulement elle savait pourquoi tu as acceptĂ© cette proposition soudaine avec un timing si pratique. »

Je croise les bras. « Me blĂ¢mer ne va pas effacer ce que j'ai fait. » Ma conviction est inĂ©branlable. « Je ne regrette pas mes actions mais je regrette les consĂ©quences. Je sais que je suis allĂ©e trop loin cette fois, et je n'ai pas besoin de rappel. »

Je me dĂ©tourne, marchant vers la salle Ă  manger adjacente. Les pas de Calum rĂ©sonnant derrière moi. Je regarde par la fenĂªtre, fixant le vide. Calum se poste derrière moi. Avant qu'il ne puisse dire quoi que ce soit, une voiture noire Ă©lĂ©gante se gare devant l'allĂ©e. Il est temps. La panique me dĂ©chire la poitrine, dĂ©chiquetant ma paix en morceaux.

Je prends une respiration prĂªte. « Maman. »

Je tourne autour de Calum comme s'il n'Ă©tait mĂªme pas lĂ . Je ne suis pas en colère, je dĂ©teste juste... ne pas avoir raison. Ma mère revient avec des rĂ©cipients empilĂ©s de nourriture.

« Maman, non. » Je ris nerveusement. « Je ne peux pas emmener ça avec moi. Je suis vraiment repue. Et des Å“ufs que je dois rĂ©chauffer au micro-ondes, c'est pas ça. »

Elle fait la moue mais accepte Ă  contrecÅ“ur. Calum m'aide avec mes bagages. Je saisis mon tĂ©lĂ©phone sur le comptoir, le glissant dans ma poche arrière. J'avais oubliĂ© que ce sont les pantalons taille haute sans poches latĂ©rales !

En sortant, mes yeux s'écarquillent. Le chauffeur se tient devant la voiture avec le coffre de la Rolls Royce grand ouvert. Sa carrosserie noire et polie scintille sous un soleil de fin de matinée. Le chauffeur donne un coup de main à Calum pour charger mes bagages à l'arrière.

Ma mère m'enveloppe dans une dernière étreinte écrasante. Et je la serre aussi fort que je peux, luttant pour retenir les larmes, brûlantes derrière mes yeux. Tu peux le faire.

Calum s'avance vers moi et me serre dans une étreinte apaisante.

Mes yeux se ferment, livrant une guerre silencieuse.

"Je veux des appels tous les jours," énumère-t-il, sa voix étouffée, "je veux des mises à jour toutes les deux heures et je vais te faire un facetime chaque soir, d'accord ?"

"Compris, intello."

"Ne fais rien de fou." Il se recule. Ses deux mains montent pour tenir mon visage. "Pas avant que je sois de retour pour pouvoir dire : je te l'avais bien dit."

Je hoche la tĂªte sans un mot.

Il dépose un baiser sur ma tempe. "Sois prudente pour moi, princesse."

J'échange des sourires avec eux deux. Je me force à m'éloigner, mes pas se faisant lourds, mes talons claquant sur le tarmac. Le chauffeur ouvre la porte arrière pour moi et je glisse à l'intérieur. Il la referme derrière moi et apparaît bientôt sur le siège du conducteur à l'avant.

Peu après, la voiture dĂ©marre en douceur. Je jette un coup d'Å“il en arrière vers Calum et ma mère qui rĂ©trĂ©cissent avec la distance croissante. Je fixe mon regard devant moi, mes yeux glissant sur l'intĂ©rieur luxueux. Il a un design automobile ; un seul panneau de verre s'Ă©tend sur toute la façade pour abriter une galerie unique exposant des Å“uvres d'art sur mesure. Je suis littĂ©ralement assise dans le luxe, sur du cuir blanc de qualitĂ© A avec des placages fins et des tapis en laine d'agneau Ă©paisse, rehaussĂ©s par un ciel Ă©toilĂ©. L'habitacle arrière est si spacieux que je pourrais littĂ©ralement m'allonger par terre.

La panique commence Ă  monter Ă  nouveau. Je ne suis pas du genre Ă  Ăªtre anxieuse. Mais cette fois, c'est diffĂ©rent, les circonstances sont prĂ©caires Ă  cause de ce que j'ai fait. Ce n'Ă©tait pas seulement imprudent... C'Ă©tait stupide. Je le sais. Je savais que c'Ă©tait insensĂ© et dangereux de m'en prendre Ă  Gaza de cette manière. Mais je l'ai fait quand mĂªme. MalgrĂ© les risques de mettre en danger ceux qui me sont les plus proches. Je l'ai fait quand mĂªme.

Quelle sorte de personne cela fait-il de moi ?

Mes doigts jouent avec mes longues boucles de cheveux couleur expresso. Ma tĂªte pend dans une honte infinie.

"Mademoiselle Moor ?"

Je me redresse d'un coup.

"Souhaitez-vous un peu d'intimité ?"

"...Intimité ?"

Il croise mon regard dans le rétroviseur un moment.

"Le verre électrochromique passe de transparent à totalement opaque." Il montre la cloison séparant l'avant de l'arrière. "Si vous voulez."

"Non." Je m'installe dans le fauteuil, ajustant ma posture, rassemblant mon calme. "Ça me ferait me sentir comme une peste."

Un petit sourire fend son visage avant que la solennité ne le referme.

"Je suis habitué, madame. Tous les passagers que je conduis le font toujours."

"Justement. Je suis juste..." Je tords mes mains. "Nerveuse."

"Voulez-vous boire quelque chose ?" Il désigne la boisson du regard. "Toute la gamme est pour vous."

Mes yeux se tournent vers le compartiment latéral avec une myriade d'options.

"Merci." Je prends la bouteille d'eau, dévissant le bouchon. "Au fait, comment vous appelez-vous ?"

Il jette un coup d'Å“il vers moi, fronçant les sourcils, comme s'il Ă©tait Ă©tonnĂ© par la question. "Conner, madame."

"Hadassah," je corrige, en buvant une gorgée d'eau. Je fais une pause pour avaler. "Alors, depuis combien de temps conduisez-vous des riches imbéciles ?"

"Depuis un moment," dit-il pensivement. "En parallèle, je travaille dans la sécurité privée."

"Laisse-moi deviner—" un bĂ¢illement m'interrompt, "—à protĂ©ger un riche imbĂ©cile."

"Non, c'est juste une partie du boulot de travailler pour Aztech."

Aztech! Une entité appartenant à Zenith.

L'obscuritĂ© envahit les bords de ma vision. Je cligne rapidement des yeux. "Oh… donc vous Ăªtes un garde ?" je demande, hĂ©bĂ©tĂ©e, comme si j'Ă©tais ivre.

Des points noirs flottent devant mes yeux, allant et venant.

"Non, je suis plutĂ´t un transporteur."

Une nausée soudaine envahit mon esprit, mon cerveau dans un chaudron de chaos. Incapable de regarder droit ou de penser correctement. Je porte lentement la bouteille à mon nez, reniflant. Rien.

"Alors quel sédatif avez-vous..." La bouteille glisse de ma main, une cascade d'eau éclaboussant le sol. "Quel médicament inodore y a-t-il dedans ?"

Je m'affale contre le fauteuil, ma tĂªte tombant sur le cĂ´tĂ©.

"Rien de nocif," rassure-t-il en vain. "Nous avons tous des instructions strictes de ne pas vous faire de mal. Il vous veut vivante."

Mes paupières se ferment.

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